Jacques Cordonnier vs Quick-halal : « La société française laïque ne doit pas se soumettre aux revendications religieuses de certaines communautés »

Publié le par plate-forme

Le 6 septembre 2010, « Alsace d’abord » a déposé plainte auprès du procureur de la République et a saisi la HALDE (Haute Autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité) contre la société Quick. Le parti régionaliste (extrême droite) reproche à la chaîne de restauration rapide d’être passée au « tout halal » dans deux restaurants d’Alsace : Hautepierre (67) et Kingersheim (68). Entretien avec Jacques Cordonnier, président d’ « Alsace d’abord » depuis 2008.

 

Jacques-Cordonnier--alsace.novopress.info.jpg

Jacques Cordonnier est président d' «Alsace d'abord» depuis 2008 / photo: DR

 

Plate-forme : Qu'est-ce qui vous a poussé à porter plainte contre Quick ?

Jacques Cordonnier : Je n'ai pas porté plainte contre Quick. J'expose les faits : à la suite de l'annonce faite par Quick et de son président, j'ai demandé au procureur d'entamer les poursuites qu'il jugera utiles contre le ou les auteur(s) de cet acte de discrimination. On peut discuter du bien fondé de cet arsenal d'articles, mais on ne peut pas nier que Quick a contrevenu aux dispositions du code pénal sur la discrimination. C'est pour cette raison que j'ai déposé ma plainte.

 

Vous énoncez le non-respect de l'article 225-1 du codé pénal qui indique que « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de [...] leur religion ». Dans ce même article, il est aussi question de discrimination à raison « d'ethnie ou de mœurs » : pensez-vous que les restaurants chinois ou végétariens seraient sous le coup d'une démarche semblable à la vôtre ?

Non. Non, car il n'y a pas de ce point de vue-là une discrimination. Ce que je reproche à la démarche de Quick, c'est de proposer à la vente des restaurations, des mets à base d'animaux abattus selon un rite religieux qui est le rite halal. Ensuite, en achetant de la nourriture halal chez Quick, le client participe malgré lui au financement d'organisations islamiques qui assurent les certifications d'abattage halal. Un client qui entre dans un restaurant Quick a le choix entre se soumettre aux contraintes imposées par la nourriture halal ou à quitter le restaurant. Et c'est cela que je vise, ce n'est pas seulement l'article 225-1 mais également les suivants.

 

Vous voyez une discrimination dans le fait que Quick propose une restauration halal, mais rien n'interdit à un non pratiquant d'y manger. L'intérêt de Quick n'est-il pas plutôt d'attirer le plus possible de clients, au lieu de discriminer, et d'augmenter ainsi son chiffre d'affaires ?

Si. C'est d'ailleurs un choix revendiqué par le président de Quick. Ils ont remarqué qu'ils avaient augmenté leur chiffre d'affaires pendant la période d'essai, dans des proportions considérables à quelques endroits puisque ce chiffre a doublé dans le cas du Quick de Kingersheim. C'est donc une décision de stricte opportunité qu'ils ont prise, au mépris de l’article 225-1. C'est uniquement pour des considérations financières qu'ils ont fait ce choix.

 quick-halal novopress.info

Depuis le 1er septembre, les restaurants Quick de Hautepierre (Strasbourg) et de Kingersheim (près Mulhouse) distribuent des hamburgers halal. Il existe 14 restaurants Quick halal en France.

 

Que pensez-vous de l'interdiction, pour discrimination, de la distribution de soupe populaire du Bloc identitaire alsacien[1] ?

Alors nous y voilà ! Lorsque la société Quick a pris sa décision de passer au halal, elle l’a fait après s'être entourée de toutes les précautions juridiques qu'il fallait. Mais si je me souviens bien, il y a deux ans, le maire PS de Roubaix avait également déposé une plainte. Elle n'a pas été suivie d'effets et il n'a pas entamé la deuxième étape qui consiste à saisir un juge d'instruction en se constituant partie civile : il n'a pas voulu le faire[2]. La soupe au cochon, ce n'est pas la même chose : elle était offerte gratuitement. Il n'y avait pas de considérations mercantiles dans l'opération qu'avait initiée le Bloc identitaire.

 

Certes, mais ces distributions visaient à « séparer » chrétiens d’un côté, juifs et musulmans de l’autre. Donc à discriminer, au sens propre, juifs et musulmans, qui ne consomment pas de porc…

Non, car ce n'étaient pas des endroits de distribution qui existaient déjà auparavant, et qui du jour au lendemain auraient exclu la population musulmane : il n'y avait pas de clientèle. Il y a une différence à faire entre d'une part ces soupes, et de l'autre, les restaurants Quick qui étaient des lieux ouverts, des lieux de convivialité et qui du jour au lendemain ont changé leurs méthodes en introduisant une nourriture dont la confection répond à des considérations d'ordre religieux. Ce qui n'est pas le cas de la soupe aux lardons. Dans la proposition du Bloc identitaire, il n'y avait pas de cahier des charges à caractère religieux quant à sa confection. Et j'ajouterais d'autre part, s'il fallait que je défende la soupe au cochon, que le porc fait partie de l'alimentation traditionnelle en France et en Europe…


 Image-1-copie-11.png

« Alsace d'abord » soutient officiellement le  « Bloc identitaire » en le considérant comme un « mouvement associé » depuis mai 2009. Le « Bloc identitaire» s'est constitué en parti politique en octobre 2009.


Vous avez évoqué le maire de Roubaix : il est étonnant de vous voir rejoindre la plainte d'un élu socialiste. Mais René Vandierendonck a retiré sa plainte lorsque Quick a proposé de la nourriture non halal dans ses restaurants par le biais d'un hamburger « traditionnel ».

Je trouve qu'au contraire, la distribution de ce sandwich non halal est la preuve que Quick a parfaitement conscience de vendre une nourriture à caractère discriminatoire. S'ils n'avaient pas eu conscience de cela, ils n'auraient pas imaginé ce que j'appelle ce « sandwich alibi ». Je précise en outre qu'il n'est pas confectionné sur place et surtout qu'il n'est pas réchauffé dans les mêmes fours, comme si une nourriture correspondant à nos traditions françaises risquait de « contaminer » l'essentiel de la production de Quick.

 

Mais alors pourquoi attaquer Quick en justice pour discrimination puisque ce « sandwich alibi » risque de ne pas valider votre plainte ?

Je n’en suis pas sûr ! Dans le mémoire qui a été remis, j'étaie mon argumentation. Je dis bien que ce sandwich non halal est un prétexte que les juristes de Quick ont imaginé pour contourner la difficulté. Mais ça ne trompera personne parce qu'ils n'en vendent pas. Je suis allé voir les restaurants. J'ai demandé : personne n’en consomme[3]. Et Quick le savait très bien. D'ailleurs, ils ne l'ont pas toujours en stock. C'est vraiment un contournement des dispositions du code pénal concernant la discrimination.

 quick-groupe.quick.fr.jpg

Depuis qu'il est passé au halal, le Quick de Hautepierre a embauché trente personnes. En moyenne, chaque restaurant a employé vingt-cinq nouvelles personnes. Ne peut-on pas voir en cela une revalorisation de ces quartiers dont vous regrettez la ghettoïsation ?

Les trente personnes, ce sont trente contrats. Ce qui doit correspondre à deux personnes en plus dans les restaurants au même moment. Ce sont des chiffres qu'ils mettent en avant parce qu'ils ne trouvent pas d'autres arguments pour justifier leurs choix. Indépendamment du chiffre, dont je dis qu'il est exagéré et surévalué, il n'en demeure pas moins que cela est une mesure qui contribue à enclaver encore plus le quartier car elle tend à homogénéiser la clientèle. Ils le disent d'ailleurs. Ils ont de plus en plus de gens qui viennent, même d'ailleurs, pour manger halal dans ces quartiers. Auparavant, ces restaurants étaient des lieux de mixité, des lieux d'ouverture. Quick les referme en les réservant de fait à une population exclusivement musulmane.

 

Quelle est votre position sur le casher ?

La distribution casher ne correspond pas du tout à la même déclinaison dont j'ai parlé. Les restaurants casher l’ont toujours été. Il ne s'agit pas, comme les Quick, de restaurants ouverts à toute la population et qui, du jour au lendemain, pour des raisons financières, réservent la nourriture à une population juive.

 

Cela voudrait-il dire que votre parti n'aurait pas porté plainte contre un restaurant halal qui se serait construit de toutes pièces ?

C'est une question qui avait déjà été posée par un journaliste lors de la conférence de presse. Sur ce point, nous sommes dans la pure théorie. Il n'y aura jamais d'ouverture de restaurant Quick immédiatement et définitivement halal. Ils ne le feront pas. La transformation d'un Quick en restaurant halal est venue au secours des restaurants dont la fréquentation baissait. Et ce serait, à mon avis, très mal perçu par la maison mère de Quick si le président de Quick-France se lançait dans une telle opération. Je rappelle que Quick est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations. D’une certaine manière, l'Etat français est indirectement propriétaire de Quick[4].

 

Vous parlez d'une mixité qui disparaît. Mais Quick ne proposait pas, avant aujourd’hui, de restauration destinée aux musulmans pratiquants. Dorénavant, un non musulman peut aller manger aux côtés d'un musulman pratiquant.

Absolument. Il y a des gens pour qui les conditions d'abattage ou la part du ticket de caisse qui va au profit des organisations islamiques de certifications halal importent peu. Mais il y a des gens que ça dérange. Au fond, c'est au nom de ceux-là que la plainte a été déposée.

 

A combien estimez-vous ces entrées financières au profit des organisations islamiques ?

Je ne veux pas citer de chiffres, je ne les connais pas.

 

De notre côté, nous avons trouvé des informations, notamment dans un article de l'Express. Celui-ci liste trois grandes mosquées qui certifient le halal et dénombre 309 sacrificateurs en France en 2007[5]. Les sacrificateurs certifiés par la seule mosquée d'Evry reversaient à cette mosquée 21 000 €, ce qui est assez dérisoire par rapport au coût de construction d'une mosquée[6].

Ces 21 000 € sont donc la part que ne conserve pas la société de certification. Et les sociétés de certification (sociétés commerciales ou associations) conservent le gros de la manne dont nous ne connaissons pas les chiffres. Les 21 000 €, correspondent juste la petite portion délivrée à la mosquée qui donne les habilitations aux différentes sociétés de certifications. Mais le gros de l'argent reste au sein de ces sociétés : c'est plutôt celui-là que je dénonce, plutôt que les 21 000€ qui reviennent à la mosquée.


 mosqu-eStrasbourg-www.archi-strasbourg.org.jpg

Image de synthèse du projet de construction de la Grande mosquée de Strasbourg, par l'architecte Paolo Portoghesi / source: www.archi-strasbourg.org


À quelles organisations cela profiterait-il ?

« Halal-AVS » (« Halal -À Votre Service »), par exemple... Il y en a plusieurs mais surtout trois grandes : deux sociétés commerciales et une autre qui a un statut associatif. C'est en fait le chiffre d'affaires de ces sociétés qu'il faudrait chercher. C'est cette somme qui correspond à ce que verse Quick, mais aussi d'autres groupes comme « Isla Délice » qui a fait parlé d'elle en affichant de grandes affiches que je juge vraiment provocatrices. Ce sont également des sommes d'argent que reversent à ces associations un certain nombre d'industriels de l'agroalimentaire pour être présentes dans les rayons halal de la grande distribution.

 

islad-lice-Les-Ateliers-Devarrieux.jpg

Vous avez parlé d’Isla Délices. On peut aussi citer « Wassila » (groupe Casino) et « Herta » (groupe Nestlé). Ou encore Fleury-Michon, qui a développé sa propre gamme halal. La filière halal aide aussi l’économie européenne à travers ces groupes occidentaux.

Je fais deux remarques : ce chiffre ne doit pas être comparé à un chiffre d’affaires « zéro ». Si ces biens de consommation halal n’étaient pas là du jour au lendemain, il y aurait dans le négoce l’équivalent ou à peine moins en non halal. Il se trouve que les associations musulmanes organisées ont poussé à la création d’une filière halal au sein de ces entreprises. Elles ont fait pression pour l’imposer — ce qu’elles ont peu à peu réussi à faire

Il ne s’agit donc pas d’avancer un chiffre qui bénéficierait exclusivement à l’industrie agroalimentaire européenne. Ce chiffre ne serait pas rayé d’un trait de plume du jour au lendemain si on arrêtait la production d’aliments halal. Mais pour battre ses concurrents, chacun tente de séduire les consommateurs musulmans. C’est le cas de Quick par rapport à Mac Donald’s, qui avait tenté de créer un restaurant tout halal à Londres, avant de renoncer. Quick, qui est de plus en plus présent en Afrique du Nord, pour se démarquer, a décidé de donner du poids à sa filière halal. C’est un choix financier : et ce n’est pas parce qu’un financier fait un choix que la société tout entière doit subir ce choix. Il y a dans une société d’autres critères que l’argent. Ce n’est pas parce que les quelques milliards de la filière halal devaient venir à disparaître que ces sociétés européennes feraient pour autant faillite.

Peu importent les considérations financières, il y a avant tout l’impératif du maintien d’une société française laïque, qui ne doit pas se soumettre aux revendications religieuses de certaines communautés. C’est ce qu’a dû penser le maire socialiste de Roubaix. Encore une fois, je peux comprendre qu’elles le demandent. Je ne comprends pas qu’on puisse s’y soumettre.

 

Vous parlez de pressions. Vous dénoncez un lobby musulman dans la filière agroalimentaire ?

Oui. Et je refuse qu’on s’y soumette. Mais dans le cas de Quick, il n’y a pas eu de lobby. Aucune association religieuse n’est venue trouver la société en demandant l’ouverture de restaurants halal. En revanche, ce fut le cas en ce qui concernait les restaurants d’hôpitaux et de cantines. Le directeur de la restauration de l’hôpital civil Émile Muller à Mulhouse a affirmé qu’il y avait eu des pressions pour que la restauration de l’hôpital devienne halal[7].

 

Mais en partie seulement…

Non : toute l’alimentation. Quick l’a rappelé : il est impossible, pour des raisons pratiques évidentes, d’avoir une double cuisine. L’hôpital a refusé de passer au halal. Mais si personne ne veille au grain, cela peut se produire dans d’autres structures. D’ailleurs il y a déjà un certain nombre d’établissements scolaires dont les cantines ont discrètement décidé de passer au halal[8]. Voilà à quoi je m’oppose.

 

Peut-on définir votre opposition au nom de la laïcité ?

Non, pas tellement. C’est au nom de la lutte contre la discrimination. Je ne souhaite pas que des infrastructures de restauration collective en France prennent en compte des considérations émanant des autorités musulmanes.

 

Dans le point 6 de la charte d’ « Alsace d’abord » (« Mettre fin à l’immigration non européenne »), vous affirmez que « l’Alsace n’a pas vocation à accueillir les populations inassimilables ». Qu’entendez-vous par « populations inassimilables » ?

Vouloir imposer partout des filières d’alimentation ou de restauration qui répondent à des considérations religieuses, c’est aller à l’encontre de l’assimilation.

 

Cela fait-il de l’ensemble des musulmans une « population inassimilable » ?

Non : il y a des gens qui sont assimilés. D’autres qui ne le veulent pas.

 

Le fait de manger halal, pour un musulman « assimilé » serait-il la preuve de son incomplète assimilation ?

Attendez ! Vous vous méprenez : ma plainte ne vise pas du tout la population musulmane. Elle vise la société Quick !

 

Votre plainte, oui. Mais vous venez de nous dire que vous veillerez à ce que le halal ne s’introduise pas dans la restauration de lieux publics.

Auquel cas je porterais plainte contre les pouvoirs publics ou les collectivités qui auront mis cela en place. Les associations musulmanes n’y sont pour rien ! On ne peut pas déposer plainte contre une pression. Ma plainte a été déposée parce qu’une société a contrevenu au Code pénal français. Tant que les associations musulmanes ne contreviennent pas à la loi, il n’y a pas lieu de porter plainte contre elles. Des dirigeants de collectivités, des élus, des PDG prennent des mesures — certains pour augmenter leurs bénéfices, d’autres pour plaire à leurs électeurs — qui risquent de venir en contradiction avec des dispositions du Code pénal.

Le maire de Strasbourg, Roland Ries, avait d’ailleurs réagi contre Quick en disant que la décision de passer au tout halal était malheureuse et malvenue. Mais comme le maire de Roubaix, il n’est pas allé au bout de sa logique. Un député UMP du Bas-Rhin, Jean-Philippe Maurer, avait écrit au directeur de Quick pour lui signaler que cette décisions était regrettable. Mais une lettre ne sert à rien si elle n’est pas suivie d’actions concrètes. Nous avons été les seuls, à « Alsace d’abord », à aller au bout de la logique en portant plainte.

 

Vous évoquez des mesures électoralistes. Avec cette plainte, qui fait suite à votre campagne lors des dernières élections régionales (5% au premier tour), qui s’était axée autour du refus de construire des minarets en Alsace, ne craignez-vous pas de restreindre la ligne de votre parti à un mouvement uniquement hostile à l’islam ?

Non. Pour en revenir aux élections que vous évoquez, il s’agissait de l’un des points de cette campagne, en effet. Mais pas un point central : nous avions axé notre campagne autour du projet de fusion des collectivités, avec à terme, la création d’un Parlement alsacien. L’organisation du système éducatif alsacien était un autre grand point.

Comme vous le constatez vous-mêmes, la question des minarets marque toujours d’avantage les esprits… La Suisse a fait sa votation peu avant les régionales. Mais notre engagement contre la construction des minarets remonte à bien avant le référendum helvétique.

alsace-d-abord-alsacedabord.org.jpg

L'Alsacienne bâillonnée, affiche traditionnelle du parti régionaliste créé en 1989


Vous savez combien de minarets il existe en Suisse ?

Non… pas beaucoup.

 

Il y en a quatre[9]. Et en Alsace ?

Pour l’instant, il n’y en a pas. Et je déplore d’ailleurs que Roland Ries veuille changer cela. Il a dit publiquement sur France 3 que pour rendre l’islam plus visible, il fallait autoriser la construction de minarets. Il ne se rend pas compte qu’il met le doigt dans un engrenage qui risque de nuire à la concorde sociale et religieuse en Alsace. Qui dit qu’il faut rendre l’islam plus visible ? C’est là un point de vue purement personnel ! Les Strasbourgeois ne lui ont pas donné mandat pour cela. Il a été élu maire et le projet de mosquée telle qu’elle est en train de s’achever aujourd’hui a été accepté par tout le monde, par tous les partis politiques et la communauté musulmane sans minaret.

Nous sommes dans une période où les autorités musulmanes sentent bien que le maire n’a pas de position très ferme sur la question. Et ils s’engouffrent dans cette faille, en demandant — et en obtenant, comme vous le savez — la création de cimetières confessionnels, en s’appuyant sur le droit local. Le permis d’aménager un cimetière réservé aux musulmans a été validé et ce cimetière sera créé au sud de Strasbourg : les musulmans ne voulaient plus se satisfaire des carrés confessionnels réservés dans les cimetières publics.

Le Conseil français du culte musulman suit cette affaire de très près : quand ce cimetière sera créé, je ne doute pas qu’il demandera à ce que de nouveaux cimetières musulmans soient créés ailleurs en France, en s’appuyant sur le droit local alsacien. On va donc au-devant de gros problèmes.

 

Pensez-vous que l’Europe, qui assiste aujourd’hui à la montée de l’extrême droite et du populisme, tend à un clivage entre une partie des musulmans et une partie des catholiques ?

C’est plus qu’un clivage : il y a en Europe le développement d’un fort courant identitaire. Ce courant ne s’est pas développé en France à cause d’un énorme malentendu : la présence du Front national (FN). Le FN n’est pas un mouvement identitaire. Il est anti-européen[10], contrairement à ce que sont souvent les mouvements identitaires des autres pays (sic). Mais je ne doute pas que ce courant identitaire se développe aussi en France.

Quand les mouvements identitaires parlent de « particularité européenne », ils se définissent par une triple identité : identité charnelle (locale, régionale), identité nationale (celle de l’Etat) et identité civilisationnelle (européenne). Selon les individus, chacune des parties de cette identité peut avoir plus ou moins d’importance. Globalement, les identitaires tiennent à rappeler que nous avons, Européens, cette triple identité et qu’il nous faut la préserver. Elle est en effet menacée par l’immigration non-européenne, et en particulier d’Afrique et du Maghreb.

 

Récemment, le maire de Strasbourg a écrit un texte protestant contre les profanations de cimetières, contre les attentats racistes, antisémites et xénophobes qui se sont multipliés en Alsace. Tous les partis politiques l’ont rejoint. Quelle a été la position d’ « Alsace d’abord » ?

Comme tout le monde, nous condamnons ce genre d’actes. En revanche, nous trouvons que Roland Ries est allé un peu vite en besogne en qualifiant de racistes, d’ antisémites et d’islamophobes des voies de faits dont on n’a pas encore arrêté les auteurs. On découvrira peut-être — ce que je pense — qu’il s’agit plutôt de jeunes délinquants qui n’ont aucune conscience politique ni religieuse. Je pense que « l’appel républicain » a quelque chose de pervers, en ce sens qu’il semble viser en creux la population catholique…

 

Pourquoi ?

Parce que les déclarations venaient en défense aux populations visées, qui sont les juifs, les musulmans et — je ne sais pas pourquoi — Roland Ries a ajouté : « les protestants ». Donc il ne restait que les catholiques dans la position de malfaiteurs ! C’est dangereux parce que tant qu’on n’a pas arrêté les coupables, on ne peut rien en dire.

Cela dit, quels qu’en soient les auteurs, ces actes sont condamnables, et je souhaite également qu’ils soient très rapidement arrêtés, jugés et condamnés. C’est vrai qu’il est très désagréable, pour un Alsacien, d’entendre les radios et les télévisions nationales montrer l’Alsace comme une région où les actes racistes se multiplient.

Il y eut une époque où le préfet réunissait tous les journalistes et les hommes politiques en leur disant de faire black-out, de ne plus parler des voitures qui brûlaient à Strasbourg chaque année, parce que cela poussait à la surenchère. On pourrait peut-être imaginer faire la même chose face aux dégradations des cimetières et des lieux de culte…

 

Ne plus en parler limiterait les effets ?

Peut-être : moins en parler — en tous cas, ne pas viser une catégorie précise de possibles auteurs dont on ne sait rien —, et en revanche, se donner tous les moyens pour arrêter les malfaiteurs. Je suis favorable à l’installation de caméras de surveillance près des cimetières et de tout ce qu’il faudra pour mettre ces lieux à l’abri de nouvelles voies de faits.

 

***

 

Propos recueillis par Nicolas Hecquet et Baptiste Cogitore 

 

 

 

 



[1] Jacques Cordonnier est membre du bureau exécutif du Bloc identitaire alsacien. « Alsace d’abord » soutient officiellement le Bloc identitaire en le considérant comme « mouvement associé ».

[2] Lorsqu'une plainte est déposée, le parquet dispose de deux mois pour répondre. Au-delà de ce délai, le plaignant peut saisir un juge d'instruction en se portant partie civile.

[3] La société Quick ne nous a pas permis d’interroger les employés ni les consommateurs des restaurants de Hautepierre et de Kingersheim dans l’enceinte des établissements, en refusant de communiquer sur ce sujet.

[4] La Caisse des Dépôts et des Consignations a racheté Quick au financier Albert Frère dans des conditions extrêmement favorables, qui ont motivé une plainte de la part de l’homme d’affaire lorrain Jean-Marie Kuhn.

[5] Voir aussi « Le business des produits halal » sur le site de l’Express.

[6] La construction de la grande mosquée de Strasbourg a coûté 8,3 millions d’euros. Le chantier a été vandalisé cet été.

[7] En réalité, la demande est venue d’un patient musulman et non d’une association.

[8] Selon un responsable du principal fournisseur des restaurants scolaires de Strasbourg, aucune cantine n’est desservie exclusivement en halal. Les écoles enregistrent les préférences culinaires des élèves en début d’année : menus standards, menus sans porc, menus sans viande et menus halal sont ainsi pris en compte et distribués quotidiennement. 18% des menus qui y sont servis ont une viande certifiée halal. Ce taux a augmenté de 2% environ depuis l’an dernier, du fait de l’augmentation du chiffre total des repas servis.

[9] À Genève, Zurich, Winterhour et Wangen bei Olten.

[10] Contrairement à « Alsace d’abord », qui prône la construction de l’Europe sans la Turquie.

 

Publié dans politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article