Une librairie, un livre # 6

Publié le par Claire audhuy

 

« Si tu veux vendre des parfums, ton magasin doit ressembler à celui d’un disquaire de DJ/

Et un magasin de canapés doit faire semblant d’être une boutique de lingerie. »

Rodrigo Garcia

 

La librairie « La jument verte »

// Ouverte en février dernier, cette petite entreprise familiale propose des livres de pointure (philosophie, histoire, politique, littérature, photographie et livres anciens) mais volontairement peu de romans. Connus des Colmariens, père et fils ont choisi d’avoir pignon sur rue des Juifs. Sise au numéro 28, « La jument verte » (titre d’un livre de Marcel Aymé, l’auteur des fameux Contes du chat perché) vend et achète des livres d’occasion tout en affirmant son côté « sélectif » : « Nous fonctionnons en flux tendu » explique Martin Matrat, le jeune co-gérant de la boutique : « Nous essayons de cibler au mieux nos acquisitions afin de proposer aux lecteurs des ouvrages qui aient du charme, des livres qui leur rappellent des souvenirs ». Si la garniture bien fournie des rayonnages dépend des arrivages de la semaine (mardi est le jour des nouveautés), des ventes aux enchères et des collections dont les bibliophiles se séparent, les libraires ont aussi un stock dans lequel il leur arrive de puiser à l’occasion des événements livresques de la région. On y trouvera tout particulièrement un grand nombre d’alsatiques, domaine de prédilection de Martin Matrat.

 

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Le livre : Et balancez mes cendres sur Mickey (Rodrigo Garcia)

// Les textes de Rodrigo Garcia sont les restes de ses créations théâtrales, une sorte de souvenir, de trace d’un passage : « un amas de résidu » précise-t-il. La littérature n’est qu’une partie de ses pièces, ainsi chaque mot est-il lié au corps du comédien, à une voix distordue par la fatigue ou la nervosité, à un geste. Pourtant cet écrit n’a rien d’un sous-texte. Il étonne par sa verve franche et son engagement vif. Passant par un langage cru pouvant aller jusqu’au vulgaire, Rodrigo Garcia décortique nos quotidiens et l’avènement d’une mondialisation dangereuse. Loin pour autant d’une nostalgie passive, grinçant et empreint d’un humour jaune ou noir, il dénonce les vices d’une société déshumanisée.

 

// L’extrait

            « Avant, il y avait des souvenirs d’enfance.

Avec les films de famille, en Super 8, les souvenirs d’enfance restaient vivants, car le Super 8 ne tuait pas les souvenirs, le Super 8 ajoutait même quelque chose de lointain et mystérieux à chaque moment filmé. [...]

A présent, la vidéo est venue gommer entièrement tous les souvenirs d’enfance.

Elle offre la possibilité de tout enregistrer à bas prix, sur des images lisses et à l’infini.

Jamais on ne devrait laisser entrer chez soi une caméra vidéo familiale.

Quand je vois au parc le père en train de filmer son enfant, je vois un peloton d’exécution en train de faire feu sur le souvenir. »

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// L’auteur :

Auteur de théâtre et metteur en scène né à Buenos Aires en 1964, Garcia arrive à Madrid en 1986 et y fonde en 1989 la compagnie   La Carniceria Teatro. Il écrit et monte ses propres textes. Ses titres annoncent bien souvent la couleur : Fallait rester chez vous, têtes de nœud / Vous êtes tous des fils de pute / L'Histoire de Ronald le clown de chez Mc Donald's (suivi de) J'ai acheté une pelle chez Ikea pour creuser ma tombe / Agamemnon (à mon retour du supermarché, j'ai flanqué une raclée à mon fils) / Goya (je préfère que ce soit Goya qui m'empêche de fermer l'oeil plutôt que n'importe quel enfoiré.

  

+ Et balancez mes cendres sur Mickey, Rodrigo Garcia, Les Solitaires Intempestifs, 95 pages, 

12 € (prix neuf).

 

+ La jument verte, 28 rue des Juifs, à Strasbourg. 03 88 35 54 42 / 06 32 80 30 45 / ouverte du mardi au samedi de 10h à 19h.

// La librairie sera sur le « Quai aux Livres » les 19 et 20 juin prochains.

 


 

 

Publié dans littérature

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